Le vélo !


…..Il y a quelques années, lors d’une ballade à vélo avec un ami, voici ce qui s’est passé.

Nous avions pris une route inhabituelle et avec l’entrain que nous avions à cette époque, il nous arrivait de rouler un peu vite par moments, surtout dans les descentes.


Et là justement nous entamions une belle descente ; j’étais à la traîne et mon ami qui était plus expérimenté que moi m’attendait un peu plus bas dans cette pente.


Je descendais à vive allure et la route tournait sur la droite …je roulais trop vite ….je n’avais pas pris la « corde » de ce virage et commençais à être déporté vers l’extérieur de la courbe. Je n’arrivais plus à redresser ma trajectoire, j’essayais de freiner mais la pente était trop importante et oui décidément,  j’allais beaucoup trop vite dans ce virage…

C’est alors que j’ai vu qu’une voiture montait en face de moi. Je me dirigeais droit sur elle ; le choc était  inévitable ; le conducteur ne me voyait pas.

De plus il y avait un grand fossé de chaque coté  de la route…

Je voyais le choc arriver, j’imaginais le vélo disloqué contre le pare choc de la voiture, et moi la tête dans le pare brise puis valdinguant par-dessus le toit du véhicule…puis dans le fossé...

…c’était une évidence!...j’étais presque disposé à accepter cela …

Je n’arrivais pas à ralentir mon vélo, la voiture se rapprochait inexorablement ; maintenant  je pouvais voir le regard effaré du conducteur de la voiture,  bouche bée, qui commençait  à se rendre compte de la situation, mais lui non plus ne réagissait pas …


Toute cette scène n a durée que quelques secondes, (certainement moins de temps qu’il n’en faut pour lire cela) ; tout se passait comme au ralenti…le temps était suspendu dans un moment éternel….et moi je me suis retrouvé dans cet état d’éternité, dans ce concentré de temps présent …


…. Puis une petite voix très lointaine au fond de moi dit «  Non ! Il ne peut pas m’arriver d’accident! Ce n’est pas ce que je veux ! Je refuse ce choc, je refuse cet accident »


Je n’arrivais toujours pas à faire ralentir mon vélo, la voiture se trouvait devant moi à quelques centimètres  …Je n’avais pas peur. Ce que je me rappelle, c’est d’avoir du appuyer à fond sur les freins avants et arrières…..

Le vélo s’est plié en deux, l’avant s’est bloqué et l’arrière a glissé sur le coté comme pour offrir tout son flanc au choc avec l’avant de la voiture .Puis la roue arrière du vélo s’est aussi bloquée « tanckée » dans le bitume, comme pour prendre un nouvel appui !....


Et là, j’ai dû lâcher les freins car le vélo a repris sa couse-lentement-dans une autre direction et « s’est effacé à l’impact »,… J’ai pu apercevoir la roue arrière du vélo effleurer le coin du pare choc avant de la voiture.

Comme la muleta du toréro qui passe lentement devant le museau et les cornes du taureau, le vélo a frôlé la carrosserie de la voiture, et s’est « dérobé au choc » initialement prévu…


Tout cela dans un ralenti surnaturel…J’étais le spectateur privilégié de ce qui se passait devant moi, debout sur les pédales du vélo…Le conducteur était crispé sur son volant.

Il me regardait maintenant au travers de la vitre de la portière avec un air encore plus étonné.  « J’étais aux premières loges pour tout voir. ».

C’était irréel ou plutôt- maintenant que je sais- le Réel en action ……


Les pneus ont crissé sur la route, la voiture s’est arrêtée un peu plus loin dans un bruit de klaxon. Le chauffeur est sorti de la voiture en criant, s’étranglant de peur et gesticulant ….

Sans me retourner je lui ai fais signe de la main, sur mon vélo qui reprenait la descente très lentement …intact.

Et je passais devant mon ami, complètement ahuri lui aussi, il avait suivi toute cette scène du regard. Plus tard il me dit : « C’est fou ce qui vient d’arriver ! Comment as-tu fais ? ».


Je ne savais pas, je ne savais pas quoi répondre non plus, je pouvais me poser la même question !....en même temps j’étais soulagé...toute la scène se déroulait à nouveau dans ma tête,  j’étais sur un nuage…dans l’atmosphère feutré du soleil matinal de Provence.

Tout ce que je pouvais savoir c’est qu’à un moment donné, j’étais sûr qu’il n’y aurait pas d’accident, j’étais serein, calme ; et…je ne sais même pas si mon cœur battait…


Puis nous avons continué notre promenade ….

Nous n’avons plus jamais parlé de cela…


Je me suis rappelé cette petite histoire après la lecture de l’Agenda de Mère, faite par Denis lors du dernier stage de début juillet. (Le réel, page 3).Il était question d’une chute de Mère à l’âge de 9 ou 10 ans dans la forêt de Fontainebleau et en fait une chute qui n’en était pas une en « réalité ».

C’est surtout la phrase du refus de l’accident qui a fait ressurgir en moi cette histoire de promenade faite en vélo…..«  Non ! Il ne peut pas m’arriver d’accident! »


Maintenant je ne peux plus dire « Je ne sais pas comment cela a pu se réaliser »…