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"Esotérisme", ça veut dire quoi ?

Le mot « ésotérisme » est relativement récent. Dans l’état actuel des recherches le terme apparaît pour la première fois en 1828, sous la plume d’un historien français, Jacques Matter, dans son Histoire critique du gnosticisme et de son influence.


En revanche, l’adjectif « ésotérique » (en grec esôterikos) semble apparaître d’abord dans les milieux aristotéliciens au 1er siècle après J.-C.


L’une des premières attestations s’en trouve dans un ouvrage assez caustique de Lucien de Samosate intitulé Philosophes à vendre (vers 166). À qui veut acheter un esclave, Lucien conseille d’en choisir un qui soit disciple d’Aristote ; ainsi, dit-il, on en aura deux pour le prix d’un :


« un vu de l’extérieur, un autre vu de l’intérieur (…) souviens-toi de donner au premier le nom d’exotérique, au deuxième celui d’ésotérique. »


L’École aristotélicienne, distinguait, dans les écrits du maître, deux sortes de textes : des ouvrages largement publiés qu’elle qualifiait d’exotériques, et des traités beaucoup plus difficiles et peu diffusés en dehors de l’École, qu’elle appelait « acroamatiques » (ce qui signifie : relatifs à un enseignement oral). Le texte de Lucien témoigne d’un changement de terminologie : ce n’est plus « acroamatique » mais « ésotérique » qui est opposé à « exotérique ».


Trente ans plus tard, le terme s’est imposé, comme le prouve Clément d’Alexandrie qui fournit la première attestation d’esôterikos, pris en un sens noble, et désignant la classe des écrits qu’Aristote réservait aux savants.


« L’ésotérisme » en soi, ça n’existe pas


Le mot esôterikos signifie donc : « ce qui a la qualité d’être comparativement plus à l’intérieur ». Plus à l’intérieur que quoi ? Deux idées majeures se dégagent de cette analyse étymologique, outre celle d’intériorité qui représente le thème essentiel. C’est d’une part l’idée de comparaison oppositive, et d’autre part celle de mouvement de déplacement.


La première nous indique que l’adjectif « ésotérique » qualifie toujours quelque chose par opposition à la qualité contraire que l’on pourra désigner comme « exotérique ». Ces deux dénominations sont donc relatives l’une à l’autre et forment couple. « Ésotérique » ne saurait signifier « ce qui a la qualité de l’intériorité absolue », ou de l’intériorité « suprême », mais « ce qui est plus à l’intérieur que ce dont on vient de parler ». Cette considération vaut aussi pour « exotérique », qui lui aussi est un comparatif et qui n’a donc de signification que relative. Il n’y a pas plus d’exotérisme absolu que d’ésotérisme absolu. « L’ésotérisme », ça n’existe pas. Ce qui existe, c’est l’ésotérisme chrétien, l’ésotérisme judaïque, l’ésotérisme islamique, etc.


La deuxième idée que suggère la formation de l’adjectif esôterikos concerne le caractère dynamique de l’opposition qu’il soutient avec exôterikos. Cette idée de mouvement, de déplacement, de progression, est incluse dans l’idée d’un dépassement des apparences inhérente à la notion d’ésotérisme. Ce qu’indique le terme, c’est que l’ésotérisme réside dans le dépassement de lui-même, qu’il garde toujours son rapport à ce qu’il dépasse, et donc que la nécessité de ce dépassement est permanente.  


Ce qu’est l’ésotérisme chrétien


Prenons la tradition chrétienne pour objet d’étude. Qu’est-ce que l’ésotérisme chrétien ?


Ce n’est pas une Église d’initiés, avec des rites particuliers. Ce n’est pas une Église de Jean, qui s’opposerait à l’Église de Pierre. Ce n’est pas un enseignement secret, dont les théologies officielles ne seraient qu’une parodie. Laissons ces fantaisies à l’occultisme de la Belle Époque, qui en était friand.


L’ésotérisme chrétien a pour objet les formes visibles du christianisme : la doctrine et les rites tels que nous les connaissons habituellement. Mais ceux-ci sont susceptibles d’une compréhension et d’une expérience dont seuls peuvent parler ceux qui ont fait l’effort de les pénétrer.


L’ésotérisme chrétien ? En voilà la définition.


Les formes visibles de la religion (exotérisme), c’est-à-dire sa doctrine et ses rites, recèlent une dimension plus invisible et plus profonde (ésotérisme) que nous sommes invités à rechercher.



Jean Borella Ésotérisme guénonien et Mystère chrétien, L’Âge d’Homme, Lausanne (Suisse), 1977.




Esôterikos se décompose en trois éléments : esô-, -ter et –ikos.


Esô, ou eisôest une préposition ou un adverbe qui signifie « au-dedans », « à l’intérieur », avec, à l’origine, une idée de mouvement.


-ter doit être rapporté à –teros, suffixe qui en grec est la marque du comparatif.


ikosla terminaison indique l’adjectif avec une nuance de spécificité.