Accueil

(placeholder)

  Gnosis+   Spiritualité   éveil spirituel pleine conscience spirituelle

Etudier Méditer Pratiquer

Le "Notre Père"

De la Prière de Jésus à la prière des disciples


Par Marc PHILONENKO : (Edits Gallimard, 2001)



Le Notre Père est l’un des textes fondateur du christianisme, il n’y a pas de page du Nouveau Testament plus nécessaire à une droite compréhension des origines chrétiennes de la prière de Jésus Dit initialement en araméen, dans le cercle étroit des disciples, le Notre Père a été conservé en grec à deux endroits des évangiles.

1 ; un texte long, celui de Mathieu, 6,9-13

2 ; un texte court, celui de Luc, 11,2-4

La prière se divise en deux strophes ; la première comporte trois demandes courtes et parallèles en « tu », la secondes, trois demandes plus longues et parallèles en « nous ». Demandes en « tu » et demandes en « nous » sont comme deux plateaux d’une balance sans correspondance.


+ infos


Le mot grec « Père »employé au nominatif avec l’article, en lieu et place du vocatif, traduit l’araméen « abbâ ».

Au premier siècle avant notre ère on avait fixé par écrit, des traductions orales araméennes de certains livres de la bible hébraïque, voire de la Bible toute entière.

Le Notre Père est l’assemblage de deux prières distinctes ; la première faite des trois demandes en « tu » est la Prière de Jésus lui-même, et le seconde faite de trois demandes en « nous »est la Prière que Jésus enseigna à ses disciples.

Jésus a donné son enseignement sous deux formes; dans la première, il s’est adressé aux  foules ou à ses adversaires ; dans la seconde, il s’est tourné vers un groupe restreint, celui des disciples, auquel il a réservé des instructions de caractère ésotérique

Les trois dernières demandes de notre Père relèvent de cet enseignement confidentiel et appellent de ce fait un déchiffrement


Les trois premières demandes en « tu »

Les deux premières demandes s’inspirent d’une ancienne prière araméenne, le Qaddish ou Saint. De surcroît, cette prière a sans doute eu une influence sur la formulation de la troisième demande


QADDISH

1- Que soit magnifié et sanctifié.                                                                                                                                                                                                                                                                             Son grand nom dans le monde qu’Il a créé selon Sa volonté   qu’Il fasse régner Son Règne de votre vivant de vos jours et du vivant de toute la maison d’Israël, et que ce soit bientôt   et en un temps proche. Et dites : Amen !  

Que son grand Nom soit béni à jamais et d’éternité en éternité !


2- Que soit béni et célébré, glorifié et exalté, élevé et honoré, magnifié et loué, le Nom du Saint, béni soit-Il !                                                                                                                                        Lui qui est au-dessus de toute bénédiction et de tout cantique, de toute louange et de toute consolation qui sont dits dans le monde, et dites; Amen !


Alors que le Qaddish est une prière publique, le Notre Père est une prière privée que chacun peut dire « dans sa chambre » (Mathieu, 6,6).

Avec le « tu », le caractère d’intimité est beaucoup plus marqué dans les trois premières demandes, et le style tendu répond à une situation d’urgence. 

Le Notre Père est une prière pour la fin des temps.

La comparaison des trois premières demandes du Notre Père et de la première strophe du Quaddish fait ressortir ce que les deux prières ont en commun et en quoi elles diffèrent.

Le Qaddish est une prière eschatologique, la prière de Jésus est eschatologique et messianique. (Eschatologie : ensemble des doctrines concernant le sort de l’homme après sa mort.)


L’invocation : « Notre père qui es dans les cieux » ;

Comme on l’a remarqué depuis longtemps, jamais dans les Évangiles Jésus n’emploie l'expression « Notre Père »mais s’est adressé à Dieu dans sa prière en disant « Père » ou « Mon Père »,

Un fils pouvait appeler son père « abi » ou « abbâ », « abbâ » ayant peut être une valeur hypocoristique (terme d'affection),« il faut y voir le cœur de la relation de Jésus avec Dieu »

La formule du Psaume 89,27  « Je te louerai mon Dieu, mon Père » a donc été utilisée comme invocation dans les prières hébraïques et rien ne s’oppose à ce que Jésus ait fait de même dans ses prières araméennes, en disant à Dieu « abbâ » ; et par cette invocation, Jésus se reconnaissant comme « Fils de Dieu », telle que La voix céleste aurait déclarée au baptisé Jésus :

« Tu es mon fils,  aujourd’hui je t’ai engendré »

« Abbâ » aura été le cri intérieur de Jésus, jailli en réponse à la proclamation divine


La première demande :

« Que ton nom soit sanctifié ! »

Transmise en terme identique dans les évangiles de Matthieu et Luc, elle s’inspire directement du Qaddish. Jésus ne dit pas « Sanctifie Ton Nom » mais « Que Ton Nom soit sanctifié », il y a tout lieu de penser que dans cette demande, Dieu est le sujet réel du verbe et que la « sanctification »du nom de Dieu est d’abord l’œuvre de Dieu lui-même. Ce n’est pas Yahvé qui est l’objet de la sanctification, mais son Nom.

Il était interdit de prononcer le tétragramme, et de nombreux substituts lui avaient été trouvés: le Seigneur, le Très Haut, le Tout Puissant, le Saint, le Fort, le Ciel, la Parole, le Lieu, le Nom, d’autres encore.

L’antonyme de sanctifier est « profaner »si bien que la demande « Que ton Nom soit sanctifier » signifie « Que ton Nom ne soit pas profaner »mais qu’il soit « consacré » et « proclamé ».

On lit dans les « Paraboles d’Hénoch » : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur des Esprits, Il remplit la terre d’esprits ». Dans l’Apocalypse de Jean, « Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu, le Tout Puissant, qui était, qui est et qui vient ».

Par la place qu’elle occupe dans la liturgie quotidienne, la Qedûshâh « sanctification » était sans cesse dans l’esprit de tout vieux juif pieux. Par sa prière il était en communion avec le monde angélique, lorsqu’il proclamait le Dieu trois fois Saint.

Les hommes participaient donc, eux aussi, avec les anges et avec Dieu, à l’œuvre de sanctification. Si la sanctification du nom est parfaite dans les cieux, elle n’est pas totalement réalisée sur terre.

Il nous faut revenir sur un des passages les plus mystérieux des « paraboles » (1hénoch, 61,12) : « Tout esprit de lumière, capable de bénir, glorifier, exalter et sanctifier Ton Nom béni, et toute chair, de ses forces accrues, glorifierons et bénirons Ton Nom, éternellement ». (« Tout esprit »s’applique aux anges et « toute chair »aux hommes).

Jésus, dans la première demande de sa Prière, attend qu’aux derniers jours du monde le Nom de Dieu soit pleinement sanctifié.


La deuxième demande :

« Que Ton Règne arrive ! »

Transmise à l’identique dans les évangiles de Matthieu et Luc, la deuxième demande s’inspire aussi du Qaddish, elle est consacrée au «Règne ». « Regnum », compris comme l’exercice du pouvoir royal – et c’est le « règne » – ou dans l’espace – et c’est le «  royaume ».

Dans la deuxième demande, c’est le sens de « Règne » qui s’impose.

La publication des « Chants pour l’holocauste du sabbat » trouvés à Qoumrân a fait apparaître la place considérable qu’occupait le thème de la royauté dans la pensée essénienne. Dieu est sans cesse célébré « comme un roi majestueux, maître de toute chose et des temps » et sa royauté est sans cesse exaltée.

Le judaïsme parle de « l’apparition » du règne, Jésus annonce « l’arrivée » du règne. Le royaume de Dieu viendra « comme un voleur dans la nuit » (Apocalypse de Jean, 3,3 ; 16,15.)

Dans les évangiles synoptiques nous sommes devant deux catégories de textes ;les uns faisant du royaume l’objet d’une ardente espérance (Matthieu, 6,10 ; Luc, 11,2;17,20:22,18 ; Marc, 15,43) ; les autres pour lesquels le royaume de Dieu est déjà présent, citons Marc, 1,15 (« Le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché ») .Les formules équivalentes de Matthieu, 12,28 et Luc, 17,21(« Le royaume de Dieu est donc arrivé à vous ») et Luc 17,21 (« Le royaume de Dieu est au milieu de vous »).

Jésus a annoncé que l’ère de salut avait déjà commencée (comme cela avait été déjà annoncé dans un « Testament de Nephtali » retrouvé à Qoumrân : « Car le temps d’impiété est accompli et toute perversité passera ; car l’heure de justice est arrivée et la terre est remplie de connaissance et de louanges de Dieu, le temps de paix est arrivé, car la domination de justice, de bonté est arrivée »

Jésus a connu ces formules et partagé ces idées, sans renoncer à demander à Dieu dans sa prière : »Que Ton Règne arrive ! »

Il existe deux variantes : »Que Ton Règne arrive sur nous » et « Que Ton Esprit saint arrive sur nous et nous purifie »


La troisième demande :

« Que Ta Volonté soit faite ! »

Transmise par l’Évangile de Matthieu et par le Didaché, mais elle est absente de l’Évangile de Luc. La tournure « faire la volonté de Dieu » est biblique.

On la relève dans le psaume 40,9

« Je veux, mon Dieu, faire Ta volonté » ou dans le psaume 143,10 « Apprends-moi à faire Ta volonté, car c’est Toi qui es mon Dieu ».

Selon le Livre des Antiquités bibliques, Abraham, avant d’entrer dans la fournaise, aurait déclaré :

 « Et s’il existe quelque pêché pour lequel je doive absolument être brûlé, que La volonté de Dieu soit faite ! » (Fiat voluntas Dei).

Dans le cantique qui vient terminer la Règle de la communauté : 

«  Car hors de Toi nulle voie n’est parfaite, et sans Ta volonté rien ne se fait. C’est Toi qui as enseigné toute connaissance et tout ce qui a été amené à l’être existe par Ta volonté ».

C’est ce sens spécial de « Volonté créatrice selon un ordre déterminé » qu’il faut retenir dans la troisième demande du Notre Père, cela étant fortement suggéré par l’incidence du Qaddish.

La « Volonté » de Dieu est faite par Dieu lui-même, par Ses anges, par les hommes ; elle s’exerce dans les cieux depuis la création du monde.


« Comme au ciel aussi sur la terre »

Cette précision, propre à Matthieu et à la Didaché (8,2), est absente de Luc.

Il faut comprendre le grec ainsi : comme (il en est) au ciel, (qu’il en soit) ainsi sur terre ; ce qui existe au ciel est donc appelé à se réaliser sur terre.


Dans la troisième demande, « le ciel et la terre » sont dissociés et ne constituent pas une unité, mais deux espaces distincts : le ciel où Dieu siège, entouré de tous ses anges, la terre que les hommes habitent et où Satan déploie son activité.

« Comme au ciel sur la terre » s’appliquerait alors également aux deux premières demandes et non pas simplement à la troisième.


Origène, au III ème siècle, dans son traité  « Sur la prière », avait déjà proposé cette interprétation.

Cette exégèse a pour effet de lier fermement les trois demandes et de leur donner une conclusion commune.


La quatrième demande ;

Les trois premières demandes constituent, on l’a vu, la « Prière de Jésus ».

Les trois dernières demandes sont, elles, destinées aux disciples et relèvent d’un enseignement confidentiel, si bien qu’elles doivent être décodées.


« Panem nostrum cotidianum da nobis hodie » :

« Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien »


Ce qui est une insupportable tautologie ; en quoi avons-nous besoin, aujourd’hui, de notre pain quotidien ?

Les exégètes ramènent souvent le débat à un problème étymologique.

Le pain « du jour suivant », le pain « du lendemain » ?

Or, la seule analogie connue à un don du pain « aujourd’hui », en opposition implicite à un don du pain « pour demain », se lit au 16e chapitre de l’Exode : »Yahvé dit à Moïse: « Voici que moi, je vais faire pleuvoir des cieux du pain pour vous : le peuple sortira et en ramassera chaque jour ce qu’il faut pour le jour, afin que je l’éprouve pour savoir s’il marchera selon ma Loi ou non ! Au sixième jour, il faudra qu’il prépare ce qu’ils auront emporté et ce sera le double de ce qu’ils auront ramassé jour par jour ».

Si bien que le sens serait « Donne-nous aujourd’hui notre pain pour demain, c’est-à-dire du futur ».

L’araméen « mehar », »demain », comme l’hébreu « mâhâr », peut prendre un sens eschatologique, si bien que le pain « pour demain », c’est le pain du temps du salut, le pain de vie, la manne céleste.


Nous devons prier aujourd’hui, avec confiance, et non pas nous préoccuper de ce que le lendemain sera fait.

Philon d’Alexandrie, dans un fragment des Oracles sibyllins appelle la manne « le doux pain du ciel étoilé ».

L’Apocalypse syriaque de Baruch accorde au don de la manne un sens eschatologique : « En ce temps, voici que descendra de nouveau le trésor de la manne et ils en mangeront pendant ces années-là, car ils seront parvenus à la fin des temps ».


Exode, 18,9 « Il leur avait donné la manne et le puits ».

Certaines légendes reposent sur de complexes et riches associations qui lient la  « manne » et le « puits », le don du pain et le don de l’eau.

Le don du pain par Dieu renvoie donc au « don » de la manne dans le désert.

Exode, 17,2 « Donne nous de l’eau et nous boirons ».Il se pourrait fort bien que, dans le Notre Père, la demande pour le don de l’eau ait été transformée en une demande d’un don de pain.

Ainsi donc le pain c’est la «  manne », et il n’y a pas lieu de donner au mot « pain » le sens large de « nourriture ».

Exode, 16,15, « Le pain qui a été mis en réserve pour vous dès l’origine dans les cieux d’en haut (et que Yahvé vous donne) maintenant (à manger) ».


La quatrième demande a ainsi pour arrière plan les récits de l’Exode et des Nombres sur l’existence du peuple d’Israël au désert, lieu des miracles et des prodiges.


Elle est à traduire : «  Donne-nous aujourd’hui notre pain pour demain ».


La cinquième demande :

Transmise par Matthieu et Luc sous deux formes distinctes.

On lit dans Matthieu, 6,12 :

  « Et remets-nous nos dettes, comme nous remettons à nos débiteurs ».

Luc, 11,4 : 

« Et remets-nous nos péchés, aussi bien que nous remettons à quiconque nous doit ».


« Dettes » et « Péchés » ; la différence s’explique dans la traduction de l’araméen vers le grec.


Le « pécheur » est donc un « débiteur » ; entendons un « débiteur » à l’endroit de Dieu.

Si le « péché » est une « dette », il peut y avoir une rémission des « péchés », comme il y a une « remise » de « dette ».

Passage du « Siracide, 28,2 » ; « Remets la faute à ton prochain, et, alors, à ta prière, tes péchés seront déliés ».

Dans la loi deutéronomique pour l’année sabbatique, chaque septième année intervenait la « sémittah », la remise des « dettes »; celle-ci était accompagnée de la libération des « débiteurs » insolvables.

On rappellera que, lors de l’année jubilaire, qui revenait, elle, tous les cinquante ans, les esclaves étaient libérés ; il y avait ainsi, théoriquement, des recoupements entre l’année sabbatique et l’année jubilaire

La cinquième demande du Notre Père n’est pas à situer immédiatement dans le champ du pardon, mais dans celui de la « dette » et du » péché » ; sa formulation a été juridique avant d’être religieuse.

Demande eschatologique (concerne le sort de l’homme après sa mort), c’est le texte de Matthieu qu’il faut retenir : 

« Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons à nos débiteurs ».

La sixième demande :


« Ne nous induis pas en tentation »

C’est la dernière des demandes en « nous » et elle est négative ; « Cette courte phrase de conclusion a quelque chose d’abrupt et de rude ».

On ne peut comprendre les paroles de Jésus que par des rapprochements constants non seulement avec l’Ancien Testament, mais aussi avec les exégèses (interprétations) traditionnelles qui le suivaient.

La Vulgate  « ne inducas nos in temptationem », « Ne nous induis pas en tentation » ne rend exactement ni le grec ni le latin.

« Ni le mot « induire », ni le mot « tentation » ne sont ici vraiment à leur place ».

On peut donner à la formule grecque un sens permissif : « Ne permets pas que nous entrions (dans l’épreuve) » ou opter pour un sens factitif : « Fais que nous n’entrions pas (dans l’épreuve) ».


Rapprochons cette sixième demande à une prière hébraïque conservée dans le Talmud de Babylone (Berakhôt, 60b) :

« Ne me fais pas entrer sous le pouvoir du péché  Ni sous le pouvoir de la faute Ni sous le pouvoir de la tentation Ni sous le pouvoir du mépris ! ».


En 1959, nous avons avancé la thèse d’une origine essénienne des « Cinq psaumes syriaques de David » ajoutés dans certains manuscrits aux cent cinquante Psaumes du psautier canonique. On lit dans le troisième de ces psaumes :

« Ne me fais pas entrer dans (des épreuves) trop dures pour moi » (à rapprocher avec la sixième demande du Notre Père).


C’est la doctrine même de l’Apocalypse de Jean, en un verset ou figure les termes d' « épreuve » et d' « éprouver » : 

« Moi aussi, je te garderai de l’heure de l’Épreuve  qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre ».


Le second membre de la sixième demande est absent de la version lucanienne du Notre Père, il n'en est pas moins le prolongement naturel du premier.

C’est la prière constante du fidèle que d’être soustrait à l’emprise du diable et de ses esprits. En Jubilés, 12, 20, on lit ainsi une prière d’Abraham : « Sauve-moi de l’atteinte des esprits malins qui règlent les pensées du cœur humain et que celles-ci ne m’égarent pas loin de Toi, mon Dieu ».

La prière d’un Psaume pseudo davidique trouvé à Qoumrân n’a pas d’autre sens : 

« Ne laisse pas Satan dominer sur moi Ni l’esprit impur ! ».

Lévi, dans une prière conservée dans les Testaments des douze patriarches :

« Qu’aucun Satan n’ait le pouvoir De m’égarer loin de Ta voie ».


C’est Satan qui est l’instrument de la « mise à l’épreuve » voulue par Dieu.

On traduira Matthieu, 6,13b :

« Et fais que nous n’entrions pas dans l’épreuve,  Mais délivre-nous du Malin ».


La Doxologie :


« Car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire ! ».


Cette louange est absente de Luc, 11, 4, et n’est pas donnée, en Matthieu, 6, 13, par les manuscrits en écriture onciale les plus anciens (écriture romaine).

Un modèle s’impose dans I Chroniques, 29,11 :

« À Toi, Yahvé, la grandeur, la puissance, la majesté, la splendeur, la gloire, car dans les cieux et sur la terre tout est à Toi ! À toi, Yahvé, la royauté, et à Toi de t’élever au-dessus de tout ! ».


On lit aussi dans le targoum Néophiti sur Exode, 15,18 :

« A Yahvé appartient la royauté depuis l’éternité et pour les siècles des siècles ! ».


« Amen » se trouve dans la plupart des manuscrits qui ont la doxologie ; c’est un adjectif verbal qui, en hébreu, signifie : « Que cela soit vrai »; il marque l’assentiment des fidèles.


Ces répons, après la doxologie, sont assez naturels, comme le montre l’Apocalypse de Jean :

« A lui soient la gloire et la puissance, pour les siècles. Amen ! »


Conclusion :

La « Prière de Jésus », la prière des disciples et le Notre Père.

Longtemps le problème a été de savoir quel était des évangiles de Matthieu ou de Luc celui qui avait le mieux conservé le texte original du Notre Père.

Il nous paraît que l’invocation  « Père » de Luc, 11,2, doit être retenue de préférence au « Notre Père qui es dans les cieux » de Matthieu, 6,9.

Très tôt, la Prière a fait l’objet de modifications et d’adaptations.L’histoire de la formation du Notre Père doit être faite, en un premier temps, à partir des deux prières distinctes qui le composent, la « Prière de Jésus » et la prière qu’il enseigna à ses disciples.

Aucun texte du Nouveau Testament n’est plus proche de cette «  Prière de Jésus » que l' « action de grâces » dite par Jésus et rapportée en Matthieu, 11,25-30.

En ce temps-là, Jésus prit la Parole ;

« Je te rends grâce, Ô Père, Seigneur du ciel et de la terre,  car Tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents et Tu les as révélés aux petits enfants. Oui, Père, car tel a été devant Toi Ton bon plaisir. Tout m’a été transmis par le Père et nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui a qui le Fils veut bien le révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur Et vous trouverez du repos pour vos âmes, car le joug est facile et mon fardeau léger ».

Les commentateurs ne relèvent peut-être pas avec une insistance suffisante que si Marc ne donne pas le texte du Notre Père, il fait allusion à la Prière à trois reprises dans son récit de la Passion.


Relisons Marc, 14,35-38 :

 Et allant un peu plus loin, il se jette à terre, et il priait pour que, si c’était possible, cette heure passât loin de lui, et il disait :

« Abbâ, Père, tout T’est possible, détourne de moi cette coupe, ne fais pas toutefois ma volonté, mais la Tienne ».Et il revint et les trouva endormis, et il dit à Pierre ;  « Simon, tu dors ! Tu n’as pas été capable de veiller une heure ! Veillez et priez pour ne pas être engagés dans l’épreuve ! ».

Ce récit de la Passion suppose connues la « Prière de Jésus » d’une part et la prière des disciples d’autre part, sans que ces deux prières distinctes soient réunies en une seule, le Notre Père.

Demandes en « tu » et demandes en « nous », ces deux ensembles symétriques, mais distincts, soumis à une attraction réciproque, ne pouvaient, toutefois, être réunis qu’à la disparition du Maître. En ce sens, c’est la mort de Jésus qui fonde le Notre Père.


Les deux prières rassemblées, le terme « abbâ » qui, par nature, ne pouvait être suivi d’un suffixe, devait être compris non plus comme « (mon) Père », mais comme « (notre) Père », par accommodation aux trois demandes en « nous ».

On explique ainsi comment on a pu passer de l’invocation « Père » de Luc, 11, 2, au « Notre Père qui es aux cieux » de Matthieu, 6 ,9.

Les trois demandes en « tu », d’individuelles qu’elles étaient initialement, étaient devenues collectives.

L’adjonction postérieure d’une doxologie à trois termes vient parfaire une prière composée de deux série de trois demandes chacune et souligne le rythme ternaire de l'oraison dominicale.


Si les fidèles peuvent crier « Abbâ ! Père ! », c’est que par le Fils, ils sont devenus fils à leur tour. L’Église primitive retrouve ainsi, par l’acclamation cultuelle « Abbâ ! », le sens original de l’invocation de la « Prière de Jésus ».


L’assemblage des demandes en « tu » et des demandes en « nous » donna naissance à une prière riche de virtualités individuelles et communautaires.

Pourvu d’une doxologie qui lui donnait son équilibre formel, traduit de l’araméen en grec, puis dans toutes les langues des hommes, le Notre Père fut, dès lors et pour toujours, au cœur de toutes les liturgies de la chrétienté.


Ainsi s’accomplit tous les jours la prophétie de celui qui avait dit ;

(Marc, 13,31:Matthieu, 24,35 ; Luc, 21,33)


« Le ciel et la terre passeront,  mais mes paroles ne passeront pas »


Traduction du Notre Père, selon Matthieu, 6 9-13.


Notre Père qui es aux cieux, Que Ton Nom soit sanctifié !  Que Ton Règne arrive !  Que Ta volonté soit faite !                                                                                                                           Comme au ciel sur la terre.

Donne-nous aujourd’hui notre pain pour demain !   Remets-nous nos dettes,  comme nous même avons remis à nos débiteurs !                                                                                      Et fais que nous n'entrions pas dans l'épreuve,  mais délivre-nous du Malin !

Car c’est à Toi qu’appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire.

Amen !


Traduction du Notre Père, selon Luc, 11,2-4.

Père,   Que Ton Nom soit sanctifié !    

Que Ton Règne arrive !  Donne-nous chaque jour,  Notre pain pour demain !   Remets-nous nos péchés,                                                                                                                           Car nous même nous remettons à quiconque nous doit !  

Et fais que nous n’entrions pas dans l’épreuve !


Résumé réalisé en février 2015

Qu’il vous donne l’envie de lire ce livre !

RJ

Le "Notre Père"

De la Prière de Jésus à la prière des disciples